La parité, c’est maintenant?

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J’ai eu l’idée de créer cette carte quand j’ai pu mettre la main sur les données des résultats de la présidentielle par circonscription législative. En 2007, les résulats du deuxième tour ont été un très bon prédicteur de ceux des législatives qui ont suivi: une circonscription pour qui un candidat à la présidentielle au second tour a fait ne serait-ce que 52% a plus de 75% de chances d’être remportée par le député du même parti.
Et encore, tout le monde s’était accordé à dire qu’en 2007, la gauche avait fait une très bonne campagne et qu’elle avait endigué la vague bleue. Les probabilités sont sûrement encore plus élevées.

Or, presque 80% des circonscriptions ont été gagnées avec un score supérieur à 52%, ce qui est donc une très grosse marge. Dans plus du quart d’entre elles, le gagnant du scrutin a même récolté plus de 60% des voix…

Bref. Dans la plupart des circonscriptions, il n’y aura pas tellement de suspsens. Là où je vote, on n’a pas souvent le droit à un deuxième tour.

Comme pour le découpage électoral, je trouve ça un peu dérangeant. L’élection n’est pas tant la rencontre entre une personne et une population qui la choisit, mais surtout le fait d’un parti qui place ses pions, surtout si on rajoute les “accords électoraux”. Je crois que j’ai moins de chance de rencontrer la candidate challenger de ma circonscription que de voir François Hollande ou Nicolas Sarkozy “en vrai”.

Alors pourquoi ne pas en profiter pour s’approcher de la parité à l’assemblée?

Pourquoi ne pas le faire d’abord: si un parti ne présente pas autant de femmes que d’hommes, il récupère une amende. Ou plutôt, comme l’explique bien Alexandre Léchenet,  il perd des financements. Mais le mode de calcul est biaisé. Un parti récupère une certaine somme par voix  au niveau national, puis cette somme est minorée si les femmes représentent moins de la moitié des candidats. Pour contrer ce système, il aurait été plus judicieux de le baser sur la proportion des voix remportées par des femmes, pas sur celles qu’on a alignées au départ.

Donc, on envoie les femmes au casse-pipe: on les met dans des circonscriptions impossibles à gagner, histoire d’éviter l’amende. Il y a presque 100 candidates qui se retrouvent contre le représentant d’un parti qui a fait plus de 55% au second tour.

A Paris, par exemple, Annie Novelli défie Claude Goasguen dans la 14ème circonscription (qui a voté à 77% pour Sarkozy) et c’est Agnès Pannier qui affronte Bernard Debré dans la 4ème (75% pour Sarkozy). Pendant ce temps, Roxane Decorte se frotte à Daniel Vaillant dans la 17ème circonscription (qui a voté Hollande à 72%).

Et encore, en théorie elles pourraient gagner, mais dans 238 circonscriptions, soit plus de 40%, ni le PS ni l’UMP n’ont investi de femme, comme ça on est tranquille.

Ce qui fait qu’au final, même s’il y a 40% de candidates, le nombre d’élues devrait tourner autour de 175 soit 28%. Ce serait quand même presque 70 de plus qu’aujourd’hui, malgré le cynisme de l’actuel patron de l’UMP. Espérons qu’elle pourront aller à l’Assemblée habillées comme elles veulent.

Mine de rien, il y aurait 51.5% de femmes en France.

 

Le découpage de Paris en circonscriptions

Mon dernier projet permet de voir les résultats des élections présidentielles à Paris par bureau de vote et de les projeter sur les circonscriptions qui serviront aux élections législatives de juin 2012.

Et surtout il permet de changer la composition de ces circonscriptions, dont le tracé aujourd’hui est assez arbitraire. Il y aura 18 circonscriptions à Paris contre 21 aujourd’hui, et elles ne suivent pas les arrondissements.

Le tracé de ces circonscriptions est déterminant pour le résultat des élections. Aujourd’hui, par exemple, il y a deux circonscriptions où Nicolas Sarkozy a récupéré plus de 75% des voix au 2ème tour de l’élection présidentielle, j’imagine que la gauche ne place pas trop d’espoir sur leur reconquête. De même, il existe pas moins de 9 circonscriptions où François Hollande a reçu plus de 60% des votes. En l’état actuel des choses, 12 circonscriptions semblent acquises à la gauche et 6 à la droite, dont 3 pourraient peut-être quand même être gagnées par la gauche.

Le découpage actuel n’est optimum ni pour la gauche, ni pour la droite. En modifiant le tracé des circonscriptions, la gauche pourrait toutes les remporter, et la droite pourrait en gagner 12 sur 18 (ou peut-être plus, 12 restant mon high-score personnel). Pour favoriser un camp, l’idée consiste à répartir les bureaux de votes les plus favorables entre le plus de circonscriptions possibles, plutôt que de les garder dans peu de circonscriptions. En généralisant sur le territoire, on imagine ce que ça peut donner!

Donc, quelque soit le sentiment actuel, tel ou tel redécoupage peut complètement redistribuer les cartes. C’est un sentiment dérangeant parce que ces redécoupages arrivent régulièrement et sont relativement opaques. D’ailleurs, il est assez difficile de faire le lien entre les données des élections présidentielles et les circonscriptions législatives parce que les résultats ne sont que rarement disponibles par bureau de vote.

Je donnerai les détails techniques de l’implémentation dans un futur post.

 

À la découverte des résultats des présidentielles avec les coordonnées parallèles

Qui dit élection présidentielle, dit résultats.

Et qui dit résultats dit représentation visuelle dans les médias.

Et donc souvent carte.

Cela dit, une carte ne nous apprend pas grand chose de ce qui s’est vraiment passé dans une élection. C’est vrai que c’est utile pour retrouver sa région ou sa ville, mais les résultats de deux villes proches géographiquement (par exemple, Boulogne-Billancourt et Issy-les-Moulineaux) n’a strictement rien à voir.

En revanche, avec une carte c’est très difficile de répondre à certaines questions, comme: où a-t-on le plus voté pour Nicolas Sarkozy? Qu’est ce qui s’est passé dans les villes qui ont beaucoup voté pour Marine Le Pen ou François Bayrou? D’où vient l’explosion du vote blanc au deuxième tour?

Pour répondre à ces questions, on peut utiliser les coordonnées parallèles.

Chaque axe vertical correspond à un vote possible – d’abord ceux du premier tour, puis ceux du deuxième. Chaque ligne de couleur correspond à une ville (ou à un département, à une région, ou à la France). Chacune de ces lignes coupe chaque axe à une hauteur qui correspond à la proportion des gens qui ont fait tel ou tel choix. Par exemple, les villes où on a beaucoup voté pour Jean-Luc Mélenchon, comme Bagnolet ou Gennevilliers, se retrouveront vers le haut de l’axe du milieu.

En s’approchant des axes, le curseur devient une croix. Il suffit alors de le faire glisser le long de l’axe pour dessiner un rectangle, et mettre en valeur toutes les lignes qui passent par ce rectangle. Par exemple, voici les villes qui ont donné plus de 70% de leurs voix du second tour à François Hollande:

 

On peut tracer autant de rectangles qu’on veut. Par exemple, on peut ne garder que les endroits qui avaient soutenu Bayrou (par exemple à plus de 10%).

et voilà: il n’y en a plus que 2.

Pour supprimer une sélection, il suffit de cliquer près de l’axe sans glisser. Si on clique sur un rectangle, on peut aussi le faire coulisser le long de l’axe.

Avec cette technique, on peut tout de suite voir les fiefs de tel ou tel candidat: il s’agit des lignes qui touchent le haut du graphique.

On peut répondre à des questions plus complexes. Par exemple, je parlais de l’explosion du vote blanc au deuxième tour. Que s’est-il passé?

Sélectionnons les endroits où le vote blanc a dépassé les 4% au deuxième tour, tout en restant à moins de 1.5% au premier tour:

On voit trois pics: les villes où Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon ou François Bayrou ont fait un très gros score. On peut continuer à sélectionner et voir que ce sont bien les villes qui sont dans la pointe de l’un des trois triangles et pas celles qui passent par le bas qui se retrouvent dans ce cas de figure. Ces électeurs ont préféré voter blanc plutôt que de choisir.

Bonne exploration!

http://jckr.github.io/blog/projects/elections/dtour2012.html

 

Exaspérés par les radars

Cette semaine le gouvernement a annoncé que le projet de retirer les panneaux annonçant les radars était gelé. Seuls 13 panneaux ont été retirés sur environ 1000. Cette décision fait suite à un appel de députés à qui leurs électeurs ont fait savoir leur “profonde exaspération” suite à ce fameux retrait de panneaux et plus généralement, à cause des contrôles automatisés.

Heureusement, la sécurité routière est l’un des sujets les plus analysés par les pouvoirs publics. Alors, chiffres en mains, quelle est la bonne décision?

Est-ce que, comme disent certains, les radars ne sont qu’un moyen de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État? ou est-ce que les radars sauvent des vies?

Le rôle de la vitesse dans les accidents de la route

La théorie qui relie vitesse, nombre d’accidents et victimes est le modèle de Nilsson qui fut établi au début des années 1980. Pour simplifier, si la vitesse moyenne augmente de 1%, le nombre d’accidents augmente de 2% et celui de morts de 4%. Ce modèle s’est vérifié empiriquement, c’est pourquoi ont l’utilise toujours 30 ans plus tard.

Cela dit, quand on parle d’augmentation ou de diminution de vitesse dans ce modèle, on parle de vitesse moyenne, avec la même distribution, c’est-à-dire qu’il y aura toujours autant de personnes qui conduisent 10% plus vite que la moyenne, 20% plus vite etc.

Or que savons-nous précisément sur ces vitesses trop élevées, celles précisément qui donnent lieu à des amendes?

D’après La sécurité routière en France – BILAN 2009, page 168,

La vitesse est un facteur particulier d’accident dans la mesure où elle est pratiquement toujours présente dans une collision, que ce soit une vitesse inappropriée aux circonstances ou excessive.

Dépassements de vitesse et radar

Mais est-ce que les radars ont été efficaces pour lutter contre ces vitesses excessives? Là encore on peut vérifier chiffres en main.

L’introduction des radars a augmenté le nombre de contrôles de vitesse dans de grandes proportions: de  1,350,000 à peu près en 2002 à près de 10 millions aujourd’hui. Dans le même temps,  la proportion de véhicules qui roulent 10km/h au-dessus des limites autorisées est passé d’environ 40% à 10%. Les chiffres passent de 5% à 0.5% pour ceux qui roulent à plus de 30 km/h au-dessus de la limite.
La lettre des députés note que les accidents ont été divisés par 2 en 20 ans alors que la circulation a augmenté de 80%. Il serait plus exact de dire que les morts sur la route ont été divisés par 2… suite à l’introduction des radars automatiques.

Le coût des accidents

Un exercice récurrent des bilans de sécurité routière est de chiffrer le coût pour la société des accidents de la route. Ceux que le détail intéressent pourront consulter le Bilan 2009 de la Sécurité Routière, page 35 et suivantes.

Les coûts unitaires et totaux sont les suivants:

Catégorie Nombre Coût unitaire Coût total
morts 4273 1,254,474 5,360,367,402
blessés graves 33323 135,526 4,516,132,898
blessés légers 57611 5,421 312,309,231
accidents corporels 72315 6,526 471,927,690
accidents matériels 1997140 6,526 13,033,335,640
23,694,072,861

Le coût total de l’insécurité routière est donc de 23.7 milliards d’euros en 2009. Il y a un accident toutes les 15 secondes environ.

En contrepartie, l’État a récupéré 212,000,000 €. (Contrôle de la circulation et du stationnement routiers)

Soit… 112 fois moins.

Un paradoxe statistique

Même avec une conduite dangereuse, la probabilité d’avoir un accident est relativement faible. Environ 70000 Français sont blessés chaque année, ce qui fait à peine plus de 1 sur 1000, et il y a moins d’une chance sur 100,000 de mourir de la route. Mêmes s’ils sont très graves, ces incidents sont suffisamment rares pour qu’il ne fassent pas partie de la vie quotidienne de la plupart des Français ou de leur entourage.

En revanche, les chances de se faire flasher sont bien plus élevées. Avec 10 millions de PV par an pour environ 40 millions d’automobilistes, chaque conducteur a donc une chance sur 4 d’écoper d’une amende. Pour un groupe de 10 automobilistes (famille, collègues…) à risque égal, il y a 95% de chances pour qu’au moins l’un d’entre eux y soit confronté.

Pour les Français, donc, pas étonnant que le désagrément de ces amendes semble bien plus important que les conséquences catastrophiques d’un accident grave. Pourtant, les conséquences de la vitesse au volant sont beaucoup plus graves que le mal nécessaire des radars. Plutôt que de céder aux sirènes de la démagogie, le rôle du gouvernement devrait être de défendre l’intérêt général et de faire comprendre son action aux Français.

 

Cantonales suite et fin: duels et transferts de voix

[A note to my English readers – as you’d have probably guessed by the title in French, this post about French politics is in French again, but I’ll soon resume posting in English]
Dimanche 27 a eu lieu le deuxième tour des élections cantonales, dont j’ai déjà un peu parlé ici ou ici. Et qui dit second tour dit duels :


Comme on peut le voir, le “classico” du second tour c’était le duel UMP-PS (336 cas). Mais ce qui intéressait tout le monde c’était plutôt les cas où le FN était présent: 403 scrutins. Alors que s’est-il passé? est-ce que les voix se sont bien transférées?

Ce que j’ai lu suite aux cantonales, c’est que si les électeurs de gauche avaient fait barrage au front national dans le cas des duels entre le FN et la droite, ce n’était pas trop le cas des électeurs de droite qui s’étaient souvent contentés de laisser gagner la gauche sans se mobiliser davantage. Alors voyons ce que disent les chiffres.

Sur les 403 cantons où le front national s’est maintenu, il y a eu 266 duels avec la gauche et 127 avec la droite. On va passer sur les 10 autres cas de figure (triangulaires, duel avec une autre formation etc.) parce que ce qui nous intéresse ici c’est de voir pour qui vote un électeur d’une grande faction qui ne se retrouve pas au second tour.

Dans le cas des duels droite-FN, il y a presque 240,000 électeurs qui avaient voté à gauche au premier tour et qui se sont fait confisquer leur vote. Bien plus que les voix supplémentaire récoltées par les candidats de droite (environ 150,000)! De même, il y a eu environ 280,000 électeurs de droite qui n’ont pas pu soutenir leur candidat au deuxième tour, alors que les candidats de gauche n’ont récupéré que 190,000 voix en plus.

Dans les deux cas, la participation a augmenté: environ 210,000 votants en plus. Pourtant, il y a eu une augmentation du nombre de votes nuls (plus de 150,000 supplémentaires) et surtout, un fort gain des voix du FN (presque 300,000).

Qu’est ce qu’on peut en déduire?

L’idée d’un front républicain, d’une mobilisation massive d’électeurs de tout bord qui empêcheraient systématiquement la victoire d’un candidat FN est bien mise à mal. Dans ces 403 cantons, la participation n’était que de 55.28%, pas très différente de la moyenne nationale. On a déjà vu plus mobilisé!

En plus, il n’y a pas de report systématique des voix vers l’adversaire du FN (et ce dans les deux cas, gauche/FN ou droite/FN). En fait, le FN est même capable de gagner des voix entre les deux tours et même beaucoup de voix! Bref, il n’y aura plus d’effet 5 mai 2002 et tout est désormais possible pour les candidats du FN.